Organisation de la vie du couple
Les personnes qui vivent en couple sans s’engager dans les liens du mariage peuvent choisir entre deux « statuts » : celui de concubins ou celui de partenaires d’un pacte civil de solidarité.
Quel que soit le statut choisi, il est possible de rédiger des conventions afin d’organiser la vie commune et notamment la gestion des biens immobiliers qu’ils possèdent ou vont acquérir ensemble.
La convention de pacs par acte d’avocat
Compte tenu des conséquences juridiques importantes entraînées par la conclusion d’un Pacs, notamment sur la propriété des biens des partenaires et leur solidarité aux dettes, il est fortement recommandé aux intéressés d’avoir recours à un professionnel, notaire ou avocat, pour la rédaction de la convention.
La liberté contractuelle.
Les partenaires définissent librement le contenu de la convention.
Ils peuvent, notamment :
– fixer les modalités de l’aide mutuelle et matérielle qu’ils se doivent pendant la durée du Pacs. S’ils ne le font pas, la loi prévoit que l’aide est proportionnelle à leurs facultés respectives (C. civ. art. 515-4, al. 1) ;
-préciser le régime des biens qu’ils adoptent : régime légal de la séparation des patrimoines ou régime d’indivision. En cas d’option pour le régime de l’indivision, la convention peut prévoir les modalités de gestion des biens indivis. À défaut, ils sont automatiquement soumis au régime de séparation des patrimoines (C. civ. art. 515-5, al. 1).
Les limites à cette liberté
Attention, il existe des limites à la liberté des partenaires : par exemple, l’obligation d’entraide mutuelle et matérielle due entre partenaires revêt un caractère obligatoire.
Il n’est pas possible de prévoir une clause restreignant la libre faculté des partenaires de révoquer le Pacs ou leur interdisant l’exercice de leur droit à réparation en cas de rupture. De telles clauses seraient réputées non écrites.
Les partenaires ne peuvent pas se consentir des legs ou des donations dans leur convention.
La convention de concubinage
La convention de concubinage est un contrat ayant pour objet d’organiser la vie commune des concubins mais aussi d’organiser les conséquences patrimoniales de leur éventuelle rupture.
L’avantage de la convention de concubinage : le couple peut en définir le contenu selon ses souhaits.
Peuvent être prévus dans la convention :
- L’inventaire des biens que possède chaque concubin. Cet inventaire présente un intérêt indéniable en cas de rupture puisqu’il permettra à chaque concubin de reprendre possession de son mobilier sans avoir à rapporter la preuve de sa propriété.
Sans convention, chaque concubin devra rapporter la preuve de la propriété des biens possédés par lui avant la vie commune. À défaut, le bien, quel qu’il soit, sera réputé appartenir aux deux concubins à hauteur de moitié chacun ;
- La participation par chaque concubin aux dépenses de la vie commune. Il pourra être expressément stipulé que chaque concubin participera aux charges du ménage à proportion de ses facultés, ou bien que certains types de dépenses seront intégralement supportés par l’un ou l’autre, avec ou sans contrepartie ; Il s’agit ici d’éviter des comptes d’apothicaires au moment de la rupture quand l’un des concubins veut reprendre l’historique de la vie commune à l’aune de l’aigreur de la séparation.
- Les modalités du partage des biens en cas de rupture. Il s’agit là du point le plus important de la convention permettant de figer dès le départ la règle de dévolution des biens. Ainsi, par exemple : les comptes bancaires reviendront au concubin au nom duquel ils sont ouverts, les éventuels comptes indivis étant partagés par deux ; les biens immobiliers seront vendus à un tiers, ou encore licités au profit de l’un d’entre eux selon une base d’évaluation préalablement définie. En cas de mésentente sur la valeur, celle-ci sera par exemple déterminée par la moyenne de deux expertises dont une effectuée par chacun des concubins. Une clause compromissoire peut être intégrée dans l’acte pour recourir à l’arbitrage familial plutôt qu’à la juridiction étatique en cas de litige.
- Les conséquences pécuniaires d’un éventuel enrichissement d’un concubin grâce à l’autre.
L’attention du lecteur doit être attirée sur le fait que les conventions de concubinage ne permettent pas d’organiser la propriété des biens acquis pendant la durée du concubinage, pour cela il faudra avoir recours à la convention d’indivision (développée ci-après).
La loi n’impose aux concubins aucune obligation de fidélité, de communauté de vie, ou même d’assistance. De convention entre eux, les concubins peuvent difficilement créer de telles obligations.
Par ailleurs, si elle peut organiser d’un point de vue patrimonial la rupture des concubins, la convention ne peut prévoir l’impossibilité de rompre ni prévoir de sanction automatique à cette rupture. Il faudra au concubin blessé rapporter la preuve d’une faute dans les conditions de la rupture pour demander réparation.
La convention d’indivision lorsque le couple non marié achète un bien immobilier
Les partenaires de Pacs comme les concubins peuvent conclure une convention d’indivision. Il s’agit du même type de convention qui peut également être conclue par des frères et sœurs qui souhaitent conserver ensemble un bien reçu en succession ou par un couple divorcé qui souhaite néanmoins garder un bien immobilier en commun, dans l’intérêt des enfants communs par exemple.
Celle-ci peut prévoir :
- La nomination d’un gérant de l’indivision, ou de cogérants.
- L’usage du bien indivis. On pourra ainsi prévoir qui payera les charges, qui bénéficiera du droit d’occupation et moyennant quelle indemnité : si elle est payable mensuellement ou lors de la cessation de l’indivision etc
- L’organisation de la rupture de l’indivision : attribution préférentielle du bien à un indivisaire, faculté d’achat ou vente, modalité d’estimation de la valeur du bien…
Néanmoins, la liberté des indivisaires dans la rédaction de la convention est encadrée par les articles 1873-1 et suivants du Code civil.
Pour assurer l’information des tiers, il convient de publier au Bureau des hypothèques la convention, en application de l’article 1873-2 du Code civil. En l’absence de publication foncière, la présente convention ne saurait être opposée aux tiers et n’aura donc valeur que dans les rapports entre eux.
En revanche, elle conservera force obligatoire entre eux dès lors que l’inobservation des formalités de publicité foncière prescrites par les textes n’est pas sanctionnée par la nullité de la convention (Cass. Civ. 1ère, 10 juillet 2013, AJ fam. 2013. 516 obs. Levillain)
Contrairement aux idées reçues, une convention d’indivision peut tout aussi bien être rédigée par un avocat spécialiste en droit de la famille que par un notaire.
Modification de régime matrimonial
Tous les époux voient leurs relations matrimoniales régies par un régime matrimonial, alors même qu’ils n’auraient fait précéder leur union d’aucun contrat de mariage.
En effet, à défaut d’un contrat, les époux sont soumis au régime légal de la communauté d’acquêts régi par les articles 1400 à 1491 du code civil.
Ce n’est qu’au cas où ils souhaiteraient y échapper en tout ou en partie, en adoptant un régime différent, qu’ils doivent conclure un contrat de mariage, lequel doit être établi avant le mariage par acte notarié.
Après le mariage, le régime matrimonial des époux peut être modifié.
Ces derniers peuvent ainsi transformer totalement leur régime (par exemple passer d’un régime de communauté légale à un régime de séparation de biens et réciproquement), ou plus simplement aménager certaines dispositions de leur contrat de mariage (par exemple adopter des clauses d’avantages matrimoniaux) ou même changer le statut d’un bien particulier.
Le choix fait par les futurs époux à l’époque de leur mariage n’a plus un caractère définitif. Les époux peuvent convenir de modifier leur régime matrimonial à la condition que ce changement soit conforme à l’intérêt de la famille :
- Changement d’activité d’un des époux. Si l’un des deux époux crée ou reprend une activité commerciale ou agricole, comportant un risque financier, l’adoption d’un régime de séparation de biens évitera d’étendre le risque au patrimoine du conjoint et permettra une plus grande indépendance dans la gestion de l’activité de l’intéressé.
- Protection du conjoint en cas de décès d’un des époux. Il peut arriver que deux époux, déjà âgés, et le plus souvent sans enfant, désirent que le survivant demeure propriétaire de tous les biens, sans qu’il n’y ait de droits de succession à régler. Dans ce cas, ils pourront adopter un régime de communauté universelle avec clause d’attribution intégrale de la communauté au survivant.
- Gestion patrimoniale. Lorsque deux époux ont des patrimoines très différents, en valeur, l’adoption d’une communauté universelle sans clause d’attribution au survivant peut rendre fiscalement moins onéreuse la transmission aux enfants du patrimoine familial par le jeu du double abattement.
Conseil sur le choix d’un régime matrimonial
Le choix du régime matrimonial n’est pas neutre : il affecte directement la situation patrimoniale des époux et tout particulièrement leur entreprise, c’est pourquoi il est fortement conseillé de se faire accompagner par un professionnel du droit avant de s’engager dans les liens du mariage plutôt que de découvrir le régime choisi implicitement ou explicitement au moment de sa liquidation.
Ainsi, s’agissant du régime de communauté par exemple, les époux ignorent souvent que les fruits des biens propres qu’ils possédaient avant le mariage tombent en communauté. Ainsi, les intérêts de leur livret A, les loyers perçus pour un appartement qu’ils avaient acheté avant le mariage, même s’ils sont utilisés au remboursement du prêt… De même, d’aucun pensent que leur plan épargne entreprise est exclu de la communauté et se trouve particulièrement surpris lorsqu’il s’agit de le partager par moitié avec leur conjoint. Il ne sera d’aucune utilité, en régime de communauté, de tenter de verser ces fonds sur un compte personnel, le libellé du compte bancaire n’ayant aucun effet sur la qualification des fonds.
Après le mariage, le régime matrimonial ne peut être modifié, sous certaines conditions, que par l’effet d’un jugement ou d’un acte notarié (Code civil, art. 1396, voir développements précédents). Là encore, mieux vaut donc consulter en amont du mariage !
Information sur le régime primaire du mariage
La célébration du mariage entraine des conséquences légales automatiques, lesquelles composent « le régime primaire impératif ».
Ce régime primaire impératif s’applique quelque soit le régime matrimonial choisi par les époux et nul ne peut y déroger.
Contenu du régime primaire impératif :
- Solidarité des dettes ménagères des époux. Il s’agit d’un cas de solidarité légale qui permet d’engager les patrimoines des deux époux bien que la dette ait été contractée par un seul des époux. Cette solidarité ne s’applique que lorsque la dette est dite ménagère, c’est-à-dire relative à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants.
- La contribution aux charges du mariage. Chacun des époux doit contribuer, proportionnellement à ses facultés, aux dépenses de la vie en commun. Celui qui a plus contribué au financement du domicile de conjugal, même en régime de séparation de biens, ne pourra donc obtenir de compensation s’il avait davantage de revenus que son conjoint.
- La protection du logement familial. Le code civil prévoit qu’un époux ne peut seul disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles dont il est garni.
- Les règles relatives à l’autonomie et à la représentation des époux. Le régime primaire impératif aménage l’autonomie de chaque époux, pouvant administrer et disposer seul de ses biens personnels tout en prévoyant des règles de représentation entre époux.
- La gestion des situations de crise. Le régime primaire autorise les époux à recourir au juge afin d’éviter, en cas de crise, tout blocage qui serait lié à une stricte application des règles du régime matrimonial. Ainsi, le juge peut intervenir dans trois hypothèses : d’abord lorsque l’un des époux est hors d’état de manifester sa volonté, ensuite quand un époux refuse de consentir à un acte alors que celui-ci ne peut se faire qu’avec son accord et que le refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille. Enfin, lorsqu’un époux met en péril l‘intérêt de la famille en raison d’un manquement grave aux obligations issues du mariage.
Opposition à mariage
Le Code civil autorise les père et mère, à défaut, les aïeuls, à former opposition au mariage de leurs enfants, mineurs ou majeurs (C. civ., art. 173, al. 1er).
Les motifs de l’opposition des ascendants doivent correspondre à l’un des empêchements prévus par la loi. En outre, l’opposition des parents sera déclarée irrecevable s’ils ne rapportent pas la preuve de la réalité des motifs qu’ils invoquent.
La personne déjà mariée avec l’un des candidats au mariage, le tuteur ou le curateur de la personne qu’il assiste ou représente, peuvent également former opposition.
Enfin, le ministère public peut former opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage (suspicion de mariage blanc ou de mariage gris, de mariage forcé etc).
Dès lors que l’opposition est régulière, elle est un empêchement prohibitif à la célébration du mariage.
Elle a donc un effet suspensif, ce qui oblige l’officier de l’état civil à surseoir à la célébration du mariage sans être en mesure d’apprécier la valeur de l’opposition sur le fond, et même s’il a la certitude que l’empêchement allégué par l’opposant n’existe pas.
La mainlevée de l’opposition est la seule procédure permettant d’obtenir la célébration du mariage.
Elle peut être volontaire, mais elle est le plus souvent issue d’une décision judiciaire.
La mainlevée doit être demandée au tribunal de grande instance du lieu élu par l’opposant dans l’acte d’opposition, ou du domicile réel de l’opposant.
En principe, les juges doivent statuer dans un délai de dix jours (C. civ., art. 177).
Défense contre l’opposition du Ministère Public en cas de sursis ou d’opposition à mariage
Lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé pour absence ou vice du consentement, l’officier d’état civil saisit sans délai le procureur de la République (C. civ art 175-2).
Il en informe les futurs époux.
Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu’il sera sursis à sa célébration, dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder. Il fait connaître sa décision motivée à l’officier de l’état civil, aux intéressés.
La durée du sursis décidé par le procureur de la République ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée.
A l’expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l’officier de l’état civil s’il laisse procéder au mariage ou s’il s’oppose à sa célébration.
L’un ou l’autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal judiciaire, qui statue en principe dans les dix jours.
Il s’agit d’une procédure avec représentation par ministère d’avocat obligation. Elle nécessite la délivrance d’une assignation par voie d’huissier. Un appel peut en outre être interjeté et les délais de la Cour d’Appel sont malheureusement de plusieurs mois.
Les conséquences sont donc lourdes de sorte qu’il vaut mieux s’assurer, dès le stade de l’enquête, de transmettre tous les éléments rassurants au Parquet pour éviter une décision d’opposition.
Un conseil d’un avocat, en amont de l’opposition, sera beaucoup moins onéreux et efficace qu’une décision judiciaire aux fins de contestation de la décision défavorable du Parquet.
Nullité du mariage
L’action en nullité est intentée après la célébration du mariage.
Selon que la nullité est dite « relative » ou « absolue », les personnes susceptibles d’exercer l’action en nullité et le délai de prescription varient, elles peuvent être :
- Chacun des époux
- Le ministère public
- Ou dans certains cas, toute personne qui y a intérêt.
Si l’action en nullité prospère, elle anéantira rétroactivement le mariage qui sera censé n’avoir jamais existé.
En conséquence, un conjoint ne peut pas, après l’annulation du mariage, reprocher à l’autre un manquement aux obligations du mariage, la nationalité française obtenue en raison du mariage tombe, le mineur perd le bénéfice de son émancipation automatique, les interdictions à mariage en raison du lien d’alliance ne valent plus, etc.
Sur le plan patrimonial, les donations au dernier vivant et avantages matrimoniaux consentis sont annulés ; s’ils ont pris effet, son bénéficiaire en doit restitution. Il en va de même de la vocation successorale liée à la qualité de conjoint survivant….
Par exception, en cas de mariage putatif certains effets bénéficient toujours aux enfants et, parfois, à l’époux de bonne foi.
Mariage des personnes sous mesure de protection (tutelle, curatelle)
Depuis le 25 mars 2019, date d’entrée en vigueur de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice, les majeurs protégés disposent désormais d’une totale liberté de contracter mariage, la condition d’autorisation préalable et le recueil de l’avis des proches étant supprimés de l’article 460 du Code civil.
Le curateur ou tuteur a toujours qualité pour former opposition, après avoir été préalablement informé du projet de mariage.