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8 ans de prison ferme pour une pénétration digitale imposée à notre cliente en pleine rue - Marie Blandin
viol pénétration digitale

8 ans de prison ferme pour une pénétration digitale…

imposée à notre cliente en pleine rue

Ce jour 25 mars 2021 est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de la Cour d’Assises d’Ille-et-Vilaine qui a pour la première fois jugé un viol sur majeure par pénétration digitale.

La Cour a rappelé que la loi ne distingue pas la nature de la pénétration sexuelle pour qualifier un viol, qu’il s’agisse d’une pénétration par le sexe, un doigt, un objet… le viol est constitué dès lors que cette pénétration a été obtenue par violence, surprise, menace ou contrainte.  

J’ai eu l’honneur d’accompagner A. qui a fait preuve de courage pour affronter cette longue procédure judiciaire afin de porter le viol qu’elle a subi devant la Cour d’Assises malgré la proposition de correctionnalisation qui lui avait été faite au stade de l’instruction.

Un viol par pénétration digitale n’arrive en effet quasiment jamais aux assises tant il a tendance à être minimisé y compris par la justice elle-même.

Nous avons soutenu A. dans son refus de correctionnalisation et la décision de la Cour d’Assises rendue ce jour à Rennes nous confirme que son combat n’a pas été vain.

La Cour a par ailleurs fait droit à l’intégralité des demandes indemnitaires que nous avions formulées pour elle, prenant donc en compte l’ampleur du préjudice qu’elle a subi.

Cet arrêt est fondamental car il vient dire à toutes les victimes de viol par pénétration digitale (ou buccale d’ailleurs) qu’elles ne sont pas des demies victimes de viol mais bien des victimes à part entière.

Il rappelle aussi que le fait de choisir de rentrer seule de soirée à Rennes à 4h30 du matin, un peu ivre, en jupe, n’emporte bien évidemment aucune responsabilité de quelque nature qu’elle soit pour la victime qui se fait plaquer contre un mur et pénétrée par les doigts d’un homme l’ayant accostée quelques minutes auparavant.

A. n’a vu cette agression cesser que grâce à la vigilance d’un homme qui n’a pas passé son chemin en l’entendant supplier son agresseur d’arrêter. Il a eu le courage de s’approcher pour demander s’il y avait un problème et a ainsi mis l’agresseur en fuite.

Immédiatement interpellé Y.F. sera formellement identifié par A. quelques heures après ce viol. Après plusieurs mois de déni il sera contraint d’admettre les faits face aux résultats des expertises génétiques.

A l’audience, Y.F. a admis avoir contraint A. à cette pénétration digitale alors qu’elle l’avait repoussé et avait dit non à de multiples reprises.

Un autre témoin résidant à proximité immédiate du lieu du crime avait d’ailleurs entendu A. dire « non non non…. » il qualifiera ces propos de « cri de détresse très prolongé » lors de son audition à la barre.

J’ai rappelé lors de ma plaidoirie que cette capacité à dire non et à susciter de l’aide était atypique tant l’état de sidération des victimes les réduit la plupart du temps au silence et à l’inaction la plus totale.

C’est le choc, la violence de l’agression qui l’explique puisque dans cette hypothèse, comme l’a souligné la psychiatre Muriel Salmona dans ses travaux, ces situations terrorisantes et imprévues « entraînent une surcharge de stress au cours de laquelle le cerveau bloque tous les processus psychiques, ce qui empêche la victime de mettre en place une réaction appropriée à cette situation absolument hors-norme. C’est donc la qualité traumatique de l’événement qui est en cause, et non la victime elle-même »

Il est essentiel que les victimes sortent de la culpabilité et sachent qu’elles peuvent déposer plainte et obtenir justice, quand bien même la pénétration ne serait pas pénienne, quand bien même elles auraient bu, se seraient trouvées volontairement dans une situation de vulnérabilité, quand bien même elles n’auraient pas crié ou ne se seraient pas débattues.

La Cour et les jurés ont montré aujourd’hui qu’ils comprennent bien ces processus et ont pris de la distance, ainsi que je les y invitais, avec le stéréotype de la « vraie victime » et du « vrai viol » qui contribue à la culture du viol favorisant ces crimes et maintenant les auteurs dans la plus grande impunité.

Notre cliente a souhaité que ce procès soit public afin que le chemin qu’elle a dû parcourir soit peut-être moins long et difficile pour toutes les autres victimes. Merci à elle de son courage, de sa ténacité pour que l’espace public cesse un jour d’être un espace de danger pour les femmes mais aussi pour que la peur et la honte change de camp.