Couples : comment bien se séparer ?
? Article paru dans le magazine 7 jours du 26 mars 2022
A l’heure où un couple sur deux ne perdure pas au-delà de 35 ans de vie commune, chacun espère, dans cette hypothèse, se séparer amiablement afin de :
- Bénéficier de délais réduits, dans le contexte d’une justice sinistrée par un manque criant de moyens.
- Minimiser les conséquences financières de la rupture, grâce à des optimisations fiscales et sociales sereinement anticipées.
- Garantir une organisation sur mesure pour les enfants, en fonction de leurs besoins et des contraintes- notamment professionnelles – des parents.
- Coconstruire les modalités de la rupture plutôt que de se les voir imposer par une décision judiciaire, réduire ainsi les risques de conflits ultérieurs.
- Préserver ses enfants du conflit, de la procédure (audition devant le Juge), des incertitudes sur leurs modalités de garde.
- Faciliter le deuil de la rupture et la construction de nouveaux projets.
Les évolutions législatives œuvrent pour cet apaisement, dans l’intérêt des adultes mais surtout des enfants qui sont les premières victimes des ruptures conflictuelles.
La recherche d’un accord global sur les conséquences de la séparation
La médiation familiale, l’intervention des avocats et l’arbitrage sont des soutiens précieux pour accompagner la recherche d’un accord.
La médiation familiale
La médiation familiale est un temps d’écoute, d’échanges et de négociation qui permet de prendre en compte de manière très concrète les besoins de chacun (enfants, tiers, grands-parents, parents, héritiers…). Ce processus structuré et confidentiel œuvre à apaiser le conflit, afin de parvenir à une solution mutuellement acceptable préservant les relations au sein de la famille.
Le médiateur, neutre, formé aux techniques d’écoute respectueuse du point de vue de chacun, conduit ceux qui ont fait couple à déterminer par eux-mêmes les conséquences de leur séparation.
Les parties peuvent s’y rendre accompagnées d’un avocat qui soutiendra leur démarche et apportera un éclairage technique dans la perspective de la formalisation de l’accord. La confidentialité de la démarche facilite le processus de négociation puisque les concessions proposées ne pourront, en cas d’échec de la médiation, jamais être évoquées devant une juridiction.
A Rennes l’UDAF 35, l’Espace Médiation ou le Centre de Médiation de Rennes pourront vous accompagner dans ce processus.
Les échanges confidentiels avec les avocats
Des rendez-vous communs, accompagnés des avocats, permettent un échange en toute confidentialité en vue de négocier un accord, avec leur éclairage sur l’opportunité des modalités envisagées, l’optimisation de leur mise en œuvre concrète et de leur pérennité.
Ces entretiens peuvent intervenir de façon informelle ou dans le cadre d’une procédure participative prévue aux articles 2062 et suivants du code civil, qui engage les parties dans un processus de résolution amiable de leur conflit, tout en leur en laissant la pleine maîtrise (fixation par les parties de leur calendrier de procédure, des modalités d’échanges de pièces justificatives, choix de l’expert ou du professionnel qualifié chargé d’évaluer un bien, de réaliser une expertise psychologique … et dont le rapport aura la même valeur qu’une expertise judiciaire).
L’accord pourra être rédigé sur le champ de manière claire et précise.
L’arbitrage familial
Le secours d’un tiers arbitre peut s’avérer nécessaire pour trancher un ultime point de discussion, afin de ne pas perdre le bénéfice des points d’accord obtenus.
La saisine d’un arbitre qualifié en droit de la famille (Centre d’arbitrage des affaires familiales), permet d’obtenir, dans un délai fixé par les parties, une décision insusceptible de recours sur le montant de la prestation compensatoire, la valorisation du bien commun, le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant…
Le coût du processus sera moindre qu’une saisine de la justice étatique car s’il faut régler les honoraires de l’arbitre, ceux des avocats respectifs seront considérablement réduits – et davantage prévisibles – dans le cadre de cette procédure accélérée dont les parties conservent la pleine maîtrise.
Alors que 2 années sont nécessaires au juge étatique pour fixer la valeur d’un bien, avec le risque d’un appel qui augmente d’autant la durée totale de la procédure, ce point sera définitivement tranché en 3 à 6 mois devant un arbitre privé.
La formalisation de l’accord amiable
L’accord entre les parties doit être formalisé par un écrit susceptible de faire l’objet d’une exécution forcée en cas de difficulté ultérieure. Pour ce faire, la formule exécutoire doit être obtenue. A défaut, chacun reste à la merci de la bonne ou mauvaise volonté de l’autre pour son application effective. Les procédures pour obtenir un titre exécutoire définitif sont désormais très simples.
Les divorces amiables
Le consentement mutuel sans recours au juge
L’évocation du divorce amiable renvoie en premier lieu au divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats prévu par les articles 229-1 et suivants du Code civil.
Il s’agit d’une convention établie par les avocats des parties pour acter le principe du divorce et régler les suites de la séparation tant sur le plan personnel (conservation du nom du conjoint, modalités de garde des enfants) que patrimonial (prestation compensatoire, contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, liquidation du régime matrimonial en l’absence de bien immobilier).
Chaque conséquence de la séparation doit être réglée dans cette convention sans qu’aucun point ne puisse être renvoyé à une discussion ultérieure, s’agissant notamment du partage des biens.
A l’issue d’un délai de réflexion de 15 jours, les époux, accompagnés de leurs avocats respectifs, signent ensemble, et en un même lieu, cette convention, qui est ensuite enregistrée au rang des minutes d’une étude notariale sans contrôle du contenu de l’accord.
Les divorces amiables avec recours au juge
Quelques situations font obstacle au divorce par consentement mutuel :
- Certaines nationalités d’un des époux (reconnaissance du divorce dans le pays d’origine)
- L’éloignement géographique empêchant la signature en un même lieu
- Le souhait de dissocier le partage des biens (attente de la vente du bien immobilier commun par exemple) du règlement des autres conséquences de leur séparation
- Un unique point de désaccord entre les époux
Un divorce judiciaire amiable, par requête conjointe ou pour altération, sera alors plus approprié.
Le divorce par requête conjointe
Concrètement, les époux et leurs avocats signeront une déclaration d’acceptation du principe du divorce sans énonciation des motifs à l’origine de celui-ci ainsi qu’une requête conjointe sollicitant le prononcé du divorce.
Les accords trouvés sur les conséquences du divorce seront formalisés dans une convention homologuée par juge. Les points de désaccords éventuels pourront être soumis à son arbitrage.
Cette procédure apporte davantage de souplesse que le divorce par consentement mutuel extra judiciaire car les parties peuvent différer le partage de leurs biens.
Le divorce pour altération définitive du lien conjugal
Ce divorce automatique en son principe est obtenu à l’initiative de l’un des époux lorsque le couple est effectivement séparé depuis au moins un an à la date de délivrance de l’assignation.
Il est souvent utilisé lorsque l’un des époux ne souhaite ou ne peut (pour des considérations pécuniaires notamment) participer à la procédure de divorce.
L’autre époux va prendre l’initiative de la délivrance d’une assignation sur ce fondement, sollicitant une procédure sans audience avec un prononcé du divorce et le règlement de ses conséquences selon les demandes formulées dans l’acte de saisine.
Le conjoint « passif » se contentera de ne pas mandater d’avocat et laissera le juge rendre une décision sur la seule base des écritures et pièces fournies par le demandeur.
La transaction et la convention de coparentalité
Pour les anciens concubins ou partenaires de PACS, la formalisation de l’accord sur les conséquences de la rupture peut prendre la forme d’une convention de coparentalité s’agissant des modalités de garde et de contribution de chacun des parents à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, et/ou d’une transaction sur les conséquences patrimoniales.
Ces actes peuvent être soumis à l’homologation de la juridiction qui en vérifiera le contenu avant de rendre un jugement.
Depuis la loi 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire et le décret 2022-246 du 25 février 2022, la validation de l’accord peut être encore plus aisée dès lors que chaque partie est assistée d’un avocat.
Ainsi, lorsque l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative prend la forme d’un acte contresigné par les avocats de chacune des parties, cet acte peut être revêtu, à la demande d’une partie, de la formule exécutoire, sans aucun contrôle du contenu de l’accord.
En cas de réticence postérieure, chacun sera assuré de pouvoir saisir un huissier, le service de recouvrement de la Caisse aux Allocations Familiales, déposer une plainte pour non-présentation d’enfant… Rappelons que tel n’est pas le cas lorsque les parties se contentent d’un écrit qu’elles sont seules à signer sans s’assurer de lui conférer de valeur légale.
Bien se séparer, c’est aussi avoir anticiper cette issue du temps de la vie commune par une organisation rigoureuse de la vie de couple via une convention de concubinage, une convention d’indivision, une SCI, une convention de pacs sur mesure, un régime matrimonial véritablement choisi. Nombreux sont nos clients qui découvrent les conséquences du choix implicite ou explicite de mode de conjugalité lorsque leur union prend fin.
Avant de s’engager dans les liens du mariage ou du pacs, d’acheter un bien immobilier en commun, une consultation chez un professionnel du droit, avocat spécialiste en droit de la famille ou notaire, facilitera le dénouement de cet engagement pris en connaissance réelle de ses conséquences.