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Pas de possibilité de consentement à un acte sexuel…

Que dit vraiment l’article 1er de la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels, votée par le Sénat le 21 janvier 2021 ?

Je lis sur les réseaux sociaux des réactions vives sur ce texte relatif à l’âge en deçà duquel un mineur ne peut consentir à un acte sexuel avec une personne majeure.

Quelques précisions s’imposent.

Que dit la loi aujourd’hui ?

Lorsqu’un délit d’agression sexuelle ou un crime de viol est commis sur un mineur, il faut rapporter la preuve, outre du fait sexuel en lui-même, de l’absence de consentement du mineur en démontrant que l’acte a été obtenu par la violence, la menace, la surprise ou la contrainte.

  • La surprise peut par exemple résulter de l’âge du mineur et donc de son incompréhension de l’acte sexuel
  • La contrainte peut résulter de la différence d’âge avec l’auteur et de la relation d’autorité qu’il a sur lui
  • La violence et la contrainte ne sont pas uniquement physiques mais peuvent être morales
  • La menace ne vise pas nécessairement le mineur lui-même mais peut viser un de ses proches (menace de porter atteinte à l’un de ses proches par exemple).

Dans les viols ou agressions sexuelles sur mineur, il n’y a généralement pas de violence ou de menace (la menace intervient plutôt pour dissuader l’enfant de parler), c’est souvent la surprise et la contrainte morale qui permettent l’acte sexuel.

Le mineur se retrouve donc placé dans une position moralement difficile puisqu’il lui faut démontrer qu’il n’était pas consentant alors même qu’il ne s’est généralement pas opposé à l’auteur. Cette situation est de nature à majorer le sentiment de culpabilité déjà important chez les victimes mineures de violences sexuelles.

Que dit la proposition de loi ?

L’article 1er de la proposition de loi consiste à créer un nouvel article 227-24-2 dans le code pénal, ainsi rédigé :

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit ou tout acte bucco-génital, commis par une personne majeure sur un mineur de treize ans [il faut entendre moins de 13 ans ] est puni de vingt ans de réclusion criminelle. L’infraction est également constituée si l’acte de pénétration sexuelle ou l’acte bucco-génital est commis sur la personne de l’auteur.
« L’infraction définie au premier alinéa est punie :
« 1° De trente ans de réclusion criminelle lorsqu’elle a entraîné la mort de la victime ;
« 2° De la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’elle est précédée, accompagnée ou suivie de tortures ou d’actes de barbarie. »

Concrètement, il s’agit de dire que désormais, les mineurs de moins de 13 ans n’ont plus à rapporter la preuve de leur absence de consentement puisque la démonstration de la violence, la menace, la surprise ou la contrainte n’est pas exigée pour ce nouveau crime sexuel.

Il s’agit donc d’une infraction basée uniquement sur l’existence objective de l’acte sexuel.

C’est une avancée importante puisqu’elle dit aussi à tous les mineurs de moins de 13 ans qu’ils ne peuvent juridiquement pas consentir à un acte sexuel compte tenu de leur âge et qu’ils sont donc dégagés de toute responsabilité (et, on l’espère, culpabilité), pour ces actes.

C’est un message fort aussi à l’égard des auteurs qui se réfugient parfois derrières des illusions de consentement, voire de plaisir de l’enfant dans l’acte sexuel avec l’adulte. Bien entendu, l’enfant peut avoir innocemment un comportement séducteur, chercher l’attention, la tendresse de l’adulte. Mais, faut-il le rappeler, la sexualité n’est pas la tendresse ou l’attention recherchée par l’enfant et cette proposition de loi rappelle à bon escient que la responsabilité de fixer la limite incombe exclusivement à l’adulte.

Je vois une levée de bouclier sur les réseaux sociaux sur le choix de l’âge : oui 13 ans c’est tôt, je l’accorde volontiers. Néanmoins, il faut rappeler que le droit actuel perdure et que bien entendu, on pourra toujours rapporter la preuve de l’absence de consentement d’un mineur de 14, 15, 16 ans etc. comme on peut le faire aussi pour une personne majeure. Chaque situation sera examinée concrètement par la justice comme c’est le cas actuellement.

Faut-il, comme certains le proposent, fixer cet âge à 15 ans ? Le débat est ouvert mais cela suppose que notre société décide qu’il ne peut pas exister de relation sexuelle consentie entre un mineur à 2 jours de ses 15 ans et un jeune majeur qui vient de fêter ses 18 ans. Peut-on réellement criminaliser et punir de 20 ans d’emprisonnement, de manière automatique, sans examiner leur spécificité, toutes ces relations sexuelles là ?

Je rappelle au passage qu’il existe déjà une infraction objective pour les mineurs : l’atteinte sexuelle qui consiste précisément à avoir, en tant que majeur, une relation sexuelle consentie avec un mineur de moins de 15 ans. Il s’agit d’un délit puni de 7 ans d’emprisonnement, voire 10 si l’acte est commis par un ascendant ou une personne ayant autorité.

Les atteintes sexuelles sur les mineurs entre 15 et 18 ans sont quant à elles punies de 3 ans d’emprisonnement si elles sont commises par un ascendant ou tout autre personne ayant autorité sur le mineur.

Et vous, que pensez-vous de l’âge de 13 ans choisi par le Sénat ?